Que se passe-t-il lorsque votre tout-petit joue ? Le supplément pour les parents du magazine Popi se penche sur le jeu, cette activité si importante pour son développement, et fait le point sur quelques idées reçues.
“Ce n’est pas du jouet dont l’enfant a besoin pour grandir, mais du jeu”
Jouer, pour un enfant, c’est ce qu’il y a de plus sérieux. C’est même son “travail” d’enfant ! Compréhension du monde, construction de la vie intérieure, motricité, dextérité, estime de soi, amorce de réflexion, de logique, de stratégie… Le jeu offre une somme d’expériences très riches, grâce auxquelles l’enfant se développe. On ne parle pas là forcément de jouets ou de jeux de société cadrés par une règle ou un mode d’emploi. “Ce n’est pas du jouet dont l’enfant a besoin pour grandir, mais du jeu”, résume Sophie Marinopoulos, psychologue et auteure d’un livre consacré au sujet (Dites-moi à quoi il joue, je vous dirai comment il va, Les Liens qui Libèrent, 2009).
Le jeu permet de revenir sur des choses vécues
Pour lui, tout est prétexte pour “jouer”, c’est-à-dire focaliser toute son attention et son énergie sur une activité. Ainsi quand, concentré comme savent l’être les tout-petits, il enlève puis remet ses chaussettes indéfiniment. Ou quand il ouvre et referme la porte, fait tomber la petite cuillère, se cache derrière le rideau, s’aménage une voiture dans le carton d’emballage ou grimpe sur le toboggan à l’envers… Ces petits gestes et ces grandes aventures, auxquels nous ne prêtons pas toujours attention, sont l’occasion de mesurer l’envergure de ses bras, de distinguer haut et bas, dedans et dehors, derrière et devant, d’acquérir l’intuition de la gravité, d’affiner sa dextérité, de mesurer son poids, son équilibre… Quand il est plus grand, imiter Papa ou Maman, jouer à la marchande, au cuisinier, au loup, au superhéros, faire vivre des scènes à son poupon ou à ses figurines, permet de revenir sur des choses vécues et de les retravailler.
Du temps pour jouer… librement
Chez beaucoup d’entre nous, la vie de famille est chronométrée : on se dépêche le matin, le soir… Y a-t-il encore du temps pour jouer ? Veillons à ce que l’enfant conserve des moments où il peut jouer librement. Le jeu libre, c’est celui qu’il invente avec ses propres ressources ou celui dont il s’empare spontanément. Il n’est pas “éducatif”, comme nous semblent l’être un loto des animaux ou d’autres dominos des couleurs. L’enfant, guidé par son besoin, va s’adonner à l’activité qui lui convient à ce moment précis et acquérir des compétences qui ne sont pas explicites pour nous. À nous de lui faire confiance.
Une nouvelle approche du jeu
Notre rôle est de lui faciliter l’accès à du matériel de jeu, tout en restant en retrait. Il peine à grimper en haut du toboggan ? Ne l’installons pas directement dessus ! Il a mélangé ses chaussures ? Attendons… Cette conviction, étayée par les travaux de Maria Montessori, d’Emmi Pikler et, plus récemment, de Boris Cyrulnik, a incité Margaux Wirig, directrice de crèche à Strasbourg, à modifier en profondeur son accueil des tout-petits : “Auparavant, les adultes imposaient aux enfants les ateliers et le rythme : dînette, puis atelier puzzle, puis… Chaque espace était cloisonné. Nous avons mis en place une “itinérance ludique” : les portes sont ouvertes, les enfants circulent et s’emparent de ce qui est mis à leur disposition comme bon leur semble. Ils font une tour avec les pièces du puzzle ? Et alors ?” Depuis, elle constate un climat général plus serein : chacun va jusqu’au bout de son activité sans être interrompu, ou change lorsqu’il en a assez. Cela crée moins de frustrations !
Ce parti pris a déconcerté certains parents, reconnaît Margaux : “Ils veulent du concret : des réalisations, des compétences. Il a fallu expliquer l’intérêt du jeu, qui est une fin en soi.” Elle a dû organiser des rencontres pour expliquer cette approche et répondre aux demandes de conseils : “Vous dites que la tablette, c’est pas top, mais que faire pour les occuper avant le dîner ?” L’équipe a suggéré à ces parents de proposer à leurs enfants des boîtes hermétiques de tailles diverses avec couvercles, cuillères en bois et légumes secs, et d’observer ce qui se passait… Il semblerait que tout le monde y ait trouvé son bonheur !
S’amuser d’un rien !
Votre logement recèle une mine de ressources. Quand elle est épuisée, explorez l’extérieur : bouts de bois, cailloux, feuilles, marrons… Et si l’attrait pour un jeu faiblit, remisez celui-ci pour quelques mois et sortez-en un autre.
Le sac à trésors
Rassemblez dans un vieux sac à main un trousseau de clés, un portefeuille, un porte-monnaie (Oh ! un bouton-pression ! Oh ! une fermeture éclair !), et d’autres objets divers… Passionnant !
Les foulards à tout faire
Dans un panier, placez plusieurs foulards de longueurs et de textures différentes. Chapeau, jupe, écharpe, robe… C’est fou ce qu’on peut “fabriquer” avec un foulard !
Les boîtes à empiler
On sous-estime l’utilité des boîtes en plastique. Elles servent à tout : transvaser, trier, empiler, relier boîtes et couvercles de mêmes tailles…
La pince à cornichons
Trois noix dans les alvéoles d’une boîte à œufs… à déplacer à l’aide de la pince. Quel défi !
Et aux beaux jours
Un pichet, des verres, une bouteille, de l’eau… et c’est la joie des jeux d’eau !