Avec ses vibrations et ses modulations, la voix est magique pour le tout-petit ! Elle le calme, l’endort, le rassure, l’amuse… Alors, que vous chantiez juste ou faux, lancez-vous… et chantez ! Pour vous inviter à entrer dans la danse, la rédaction de Popi a rencontré la musicienne Agnès Chaumié, qui a répertorié, chanté et mis en musique de nombreuses comptines de la petite enfance.
“Chanter, c’est se rencontrer”
“Chanter, c’est prendre soin de l’enfant”, affirme Agnès Chaumié, musicienne, chanteuse, partenaire de l’association Enfance et Musique, qui promeut les pratiques d’éveil culturel et artistique dans les lieux d’accueil des jeunes enfants. “Cela fait partie du maternage depuis toujours. C’est gratuit, on ne recherche rien, si ce n’est réconforter, rassurer, amuser. Chanter, c’est une façon d’être avec son enfant, de partager du temps ensemble, d’interagir, de se rencontrer, de rire !”
En effet, quand on murmure à son petit une berceuse ou qu’on chante “Au galop ! Au galop !” en le faisant sauter sur nos genoux, on est seul avec lui, dans un moment de complicité qui lie corps et voix. Ces chansons qui ne paient pas de mine lui disent notre attachement, notre tendresse, notre amour. Pas étonnant qu’il y prenne tant de plaisir, et nous avec ! Pour la musicienne, “deux identités se rencontrent au travers de la chanson : Papa ne fait pas la même petite bête qui monte que Maman, ni que la dame de la crèche”…
Et puis ces airs anodins touchent aux grandes émotions : la peur de l’abandon, le manque, la joie, l’excitation… Pensons à “Prom’nons-nous dans les bois, pendant que le loup y est pas…”, que les enfants réclament longtemps, et à ces jeux chantés où l’adulte fait mine de lâcher l’enfant (“Plouf !”). Quel suspense, quel frisson ! Ouf, Maman ne m’a pas laissé tomber ! Ces jeux l’aident à apprivoiser ses émotions, et sont aussi l’occasion d’un travail sur l’articulation, la respiration, la précision des gestes.
“J’ose pas, je chante faux !”
La plus belle voix du monde, pour le bébé, c’est celle de sa maman, cette voix qui l’a bercé bien avant sa naissance ! Dès le cinquième mois de grossesse, l’ouïe du bébé est mature et il perçoit les inflexions, le rythme, la mélodie de la langue maternelle, ainsi que les pulsations du cœur, la respiration, les balancements des pas. “Chanter juste, pour moi, c’est être juste dans la relation à son enfant, s’ajuster à lui”, rassure Agnès Chaumié. Alors pourquoi ne pas se lancer ? D’autant que les comptines sont à mi-chemin entre le parler et le chanter. Et si on n’ose pas, on peut commencer par fredonner, sans ouvrir la bouche.
“Un MP3, c’est pareil, non ?”
La musique enregistrée procure de beaux moments ! Mais un enregistrement ne va pas sentir quand la respiration de l’enfant s’apaise, quand son corps se relâche, et ne baissera pas le ton, ne ralentira pas le rythme pour s’accorder à ses réactions. Chanter ensemble, c’est avant tout un partage.
“Les paroles n’ont aucun sens !”
“Maman, les p’tits bateaux… ont-ils des jambes ? Mais oui, mon gros bêta…” Hum, pas très sympa, la maman ! Tant pis, l’enfant, lui, se réjouit du jeu sonore, des syllabes qui se répètent, des mots étranges, des gestes que lui montre son parent. “Meunier, tu dors… Ton moulin, ton moulin va trop viiiiite…” Il ne sait pas ce qu’est un moulin ? Pas grave ! Ce petit moment a quelque chose de tellement excitant !
“Je lui chante Nirvana, ça va ?”
Même le metal de Rammstein, si vous y arrivez ! Les tout-petits sont attentifs à notre plaisir à chanter, à la musique qui nous plaît, à celle qui nous fait vibrer, danser… Et puis un enfant n’aimera chanter que s’il a entendu chanter autour de lui. À vous de choisir votre berceuse préférée. Après, certains titres sont peut-être plus efficaces que d’autres pour l’endormissement !
“Je ne connais aucune comptine…”
C’est vrai qu’on chante souvent les mêmes chansons. Pour élargir notre répertoire, on peut écumer le rayon CD de la médiathèque, ou se lancer dans l’impro : “Chanter, c’est un moyen tendre de dire des mots. Des mots d’amour, ou même des mots fâchés”, constate Agnès Chaumié. Ainsi Pierre, jeune papa qui a longtemps chanté à sa fille une berceuse de son cru : “Ma petite minette ne veut pas dormir… ne veut pas dormir, mais elle est bien fa-ti-guée… bien fa-ti-guée…” Des paroles qui trahissaient l’épuisement à peine voilé de ce papa…
Témoignages de parents
“Mon bébé fredonne avec moi” : Paola, maman de Mayeul
“Je chante les comptines qu’on me chantait quand j’étais petite, y compris en valencien, la langue maternelle de ma mamie. Mon fils adore, surtout quand il y a des gestes. J’aime sa mine réjouie ! Il a 9 mois et commence à participer, il se balance, et j’ai l’impression qu’il fredonne. Quand il cherche le sommeil, il se chante une sorte de berceuse : ‘Mmm, mmm, mmm…’ C’est mignon !”
“J’improvise !” : Pierre, papa d’Adèle
“Quand j’ai un bébé dans les bras, mon réflexe est de me balancer en fredonnant. Je crée souvent des paroles en jouant sur le prénom. Ma fille se souvient de la comptine que j’avais inventée pour elle !”
Pour aller plus loin : nos coups de cœur !
• Comptines pour mon bébé. Livre-CD, Cécile Hudrisier, Didier Jeunesse, 13,90 €, dès 1 an.
Ce classique du livre-CD ne se démode pas ! Les comptines – certaines très connues – sont d’une grande qualité musicale, et les illustrations qui les accompagnent permettent de raconter sans le support audio. Le catalogue de cet éditeur est une malle à trésors dans laquelle nous vous conseillons de plonger…
• Je chante avec mon bébé. 1 livre + 2 CD, Enfance et musique, 29,90 €, dès la naissance.
Cent sept chansons populaires et traditionnelles classées par âges, de la naissance à 3 ans, et illustrées. Avec un commentaire sur le rôle et les particularités de chaque chanson dans l’éveil du tout-petit. Un incontournable !
• 75 chansons, comptines et jeux de doigts. 1 CD, Hélène Bohy et Agnès Chaumié, Enfance et musique, 14,90 €, dès la naissance.
Si vous ne devez posséder qu’un seul disque de comptines, c’est celui-ci ! Avec lui, vous allez devenir incollable en tubes des tout-petits. Un indispensable pour chanter avec lui les chansons qu’il entend à la crèche ou chez la nounou.
• Mon imagier des comptines. Charlotte Roederer, Gallimard Jeunesse, 17,50 €, dès 1 an.
Ces seize comptines du répertoire, adaptées avec fantaisie, prennent un petit coup de jeune : elles sont accompagnées à la guitare, à l’accordéon, à la clarinette, aux percussions, au violon, à la balalaïka… et chantées, entre autres, par des enfants.
• Pomme de reinette et pomme d’Api. Xavier Deneux, Milan, 9,90 €, dès 1 an.
Voilà la plus célèbre des comptines revisitée par le talentueux Xavier Deneux, dans sa collection d’imagiers gigognes. Ici, pas de son, mais un face-à-face d’éléments en volume et en creux dont l’enfant s’empare en déplaçant et replaçant les pièces en carton à sa guise, pendant que vous fredonnez la petite chanson (pas d’excuse, vous la connaissez).
• Mon petit lapin. Magali Hubac, La Marmotière éditions, 9,50 €, dès 1 an.
La Marmotière, c’est un réseau parisien de micro-crèches, mais aussi une maison d’édition. Et cette étonnante association donne de fort jolis livres, à commencer par ces “P’tites comptines en noir et blanc” qui se déplient en accordéon. Une réussite testée et approuvée par les “marmots” ! Aux parents, le site internet de La Marmotière propose la gestuelle et la chanson à écouter, si vous n’avez plus l’air en tête !