Après les vacances, votre tout-petit (re)découvre la crèche, la nounou ou la garderie ? Dans tous les cas, il va côtoyer d’autres petits de son âge. Câlins spontanés, échanges d’objets, bousculades, disputes… C’est vif et animé ! Et parfois déconcertant pour les parents. Le supplément du magazine Popi vous donne des clés pour mieux comprendre l’importance de ces premières relations dans le développement de l’enfant.
Un processus essentiel dans le développement de l’enfant
Marie a été assistante maternelle pendant dix ans. “Entre 6 mois et 1 an, les enfants que je gardais étaient chacun dans leur bulle, sans calculer l’autre, y compris quand ils faisaient la même activité.” Un constat que tempère Chantal Zaouche Gaudron*, professeure de psychologie de l’enfant : “Dès 6 mois, on observe chez les tout-petits ce qu’on appelle des “petites conduites sociales élémentaires” : regards, sourires, touchers…”
Petit à petit, en apprenant à se déplacer, ils vont vers l’autre volontairement, avec une forte curiosité et un désir de relation. Arrivent alors les premières interactions : entre enfants, on s’offre, on reprend, on échange des objets. Considérer l’autre, prendre acte de sa présence, c’est s’en distinguer peu à peu et se reconnaître comme différent de lui. Un processus essentiel dans le développement de l’enfant.
À partir de 2 ans : Je t’aime, je t’aime pas…
« Il l’appelait “ma biche” », se souvient Marie dans un éclat de rire. Certains binômes d’enfants gardés ensemble fonctionnent bien tout de suite : ils se réjouissent de se retrouver et de jouer ensemble, se comprennent “sans avoir besoin de parler”. D’autres, jamais. Ainsi, Juliette a repoussé Clément dès le premier jour : “Ils n’ont pas accroché”, poursuit Marie. Chantal Zaouche Gaudron confirme : à partir de 2 ans, on constate aussi bien un manque total d’attirance que des affinités, voire des relations amicales entre tout-petits, très motivantes pour eux.
Des gestes… avant la maîtrise du langage
Vanessa, assistante maternelle elle aussi, raconte : “En ce moment, j’ai un petit déménageur. Quand il n’est pas d’accord, il pousse tout le monde.” “En effet, souligne Chantal Zaouche Gaudron, de 15 mois à 2 ans environ, on remarque que les enfants oscillent entre s’offrir ou se prendre des objets.” Des relations parfois au corps à corps, qui s’expliquent : les petits n’ont pas toujours une maîtrise suffisante du langage pour exprimer leur désir autrement qu’avec des gestes (je saisis). Par ailleurs, les contacts corporels (être poussé, attrapé, enlacé…) sont mieux tolérés par les enfants que par les adultes.
Quant aux morsures, “rien ne sert de sanctionner, poursuit l’enseignante-chercheuse. Il faut expliquer qu’on peut mordre un doudou, une pomme, un jouet, mais pas le corps de l’autre, car ça fait mal et il n’en a pas le droit”. Pas d’inquiétude : plus la capacité à s’exprimer par la parole s’accroît, plus ce comportement est amené à disparaître.
On se débrouille !
Avec l’autre, tout ne va pas forcément comme prévu… C’est ce qui est intéressant ! Pour Chantal Zaouche Gaudron, “les conflits font partie intégrante de la socialisation. Les enfants développent des stratégies pour surmonter leurs difficultés : ils se détournent, négocient, troquent, expriment leur colère, appellent un adulte… C’est constructif”.
Au Relais Petite Enfance (RPE) ou au parc, Vanessa rejoint d’autres assistantes maternelles. Elle dit n’intervenir qu’en dernier recours : “On se retrouve parfois avec dix enfants, qui doivent partager les jouets mis à disposition. On les laisse se débrouiller entre eux, sauf si ça dérape.” Et en général… “ça marche” !
Un tout-petit sensible aux émotions de l’autre
Un petit en larmes dans le vestiaire de la crèche… et rapidement, c’est le concert de pleurs ! “Le tout-petit est sensible aux émotions de l’autre, analyse Chantal Zaouche Gaudron, et il a une conscience aiguë d’un contexte douloureux ou joyeux. Il manifestera ainsi sa curiosité ou sa sympathie.”
Les apprentissages, aussi, se partagent. Mathieu et Hélène, que Marie garde ensemble, se sont appris mutuellement à faire pipi dans le pot : “Chacun sur leur pot, ils écoutaient le bruit du pipi, se le montraient, riaient de fierté.”
Vive la découverte !
Sortir de son cercle familial, c’est s’ouvrir à autre chose. Parents, frères et sœurs, famille élargie, voisinage… Chaque cercle réserve au petit enfant des découvertes distinctes. Dans une fratrie, l’autre est bien présent, surtout s’il accapare l’attention de Papa et Maman.
Mais dans une structure d’accueil petite enfance, le jeune enfant se frotte à bien d’autres différences : enfants plus nombreux, adultes qui ne se comportent pas comme ses parents, activités auxquelles il n’a pas forcément accès chez lui, fonctionnement qui n’est pas celui de la maison… “Ces divergences ne sont pas préjudiciables, au contraire, souligne Chantal Zaouche Gaudron. L’enfant se construit face à la différence, face à des normes, des valeurs et des contextes divers. En s’adaptant, il n’est pas passif, mais actif.”
* Chantal Zaouche Gaudron est enseignante-chercheuse à l’université Toulouse 2-Jean-Jaurès et directrice du groupement d’intérêt scientifique Bébé, Petite Enfance en Contextes, BECO.
Où sont gardés les moins de 3 ans ?
Quelques chiffres… 33,4 % des enfants de moins de 3 ans sont gardés chez une assistante maternelle [ndlr : ce métier d’assistant(e) maternel(le) est essentiellement pratiqué par des femmes (99 % en 2009)] ; 32 % à la maison ; 19 % en crèche ou jardin d’enfants ; 4 % en toute petite section de maternelle. (Source : Observatoire National de la Petite Enfance, 2019.)