Quand on devient parent, fatigue et organisation occupent d’un coup toute la place. Et de la place, il n’y en a plus beaucoup pour prendre soin de soi… et de son couple. Manque de temps, manque de désir aussi : l’arrivée d’un tout-petit met souvent le couple à rude épreuve. Or, dans une société qui exhibe facilement l’amour et la sexualité, le sujet reste assez tabou. À Popi, on a eu envie d’en parler avec vous.
Arrivée de bébé : attention au baby-clash !
Élise s’en souvient comme d’une gifle : quatre mois après la naissance de sa deuxième fille, son mari lui a offert… un exemplaire du Kama Sutra. “Je ne rêvais que de mon lit, et lui, il arrive avec ses gros sabots et son désir sexuel !” Sa version à lui : “Je reconnais que c’était maladroit, mais j’avais l’impression de traverser un désert sans fin. Ma compagne n’en avait que pour le bébé. Il n’y avait plus de place pour nous deux !”
Après chaque naissance, et particulièrement après la première, il arrive en effet que le couple traverse une zone de turbulences au cours de laquelle il doit s’inventer un nouvel équilibre. C’est le baby-clash. Chacun a l’impression de n’être plus que “papa de” ou “maman de”, et plus du tout “amoureux de”. Alors, concilier vie de parents et vie de couple : mission impossible ?
Sexologue et thérapeute de couple, Cécilia Commo répond aux deux grandes questions qui préoccupent le plus les parents de jeunes enfants aujourd’hui.
Notre enfant prend toute la place ! Que faire ?
“Un nouveau couple (parent-enfant) se forme au milieu d’un couple déjà formé. L’enfant peut devenir un ‘rival’ qu’on aime, ce qui rend notre position très complexe. Un petit enfant accapare beaucoup l’attention, car il est nécessaire de veiller sur lui. Mais il arrive que ces attentions se concentrent uniquement sur lui, au point qu’il devient ainsi la personne la plus importante du couple.
Or, avant sa naissance, la personne la plus importante était… le (ou la) conjoint(e) ! Pour un enfant, occuper toute la place n’est pas la juste place. Et ce n’est pas lui rendre service que de le laisser croire à sa toute-puissance. Les parents doivent veiller à préserver un espace pour le couple, car c’est ce couple qui est le fondement de ce qui est apparu ensuite : la famille.”
On ne fait plus l’amour ! C’est grave, docteur ?
“Ce qui démoralise les couples en matière de sexualité, ce n’est pas que l’autre soit très pris et peu disponible, c’est surtout de se rendre compte que ce n’est plus du tout un sujet et que l’envie n’est plus là. Cette absence de désir, ce manque d’intimité effraient et font souffrir les partenaires. La vie sexuelle peine à reprendre quand l’image érotique de l’homme et de la femme est impactée par le rôle parental.
Par exemple, certains hommes sont perturbés d’avoir vu leur femme accoucher ou allaiter. Certaines femmes, de leur côté, sont tellement comblées par l’affection donnée et reçue par les enfants qu’elles ne ressentent plus le besoin d’être désirées. Il faut pouvoir mettre des mots sur cette situation, en discuter ensemble, ne serait-ce que pour se redire que le couple amoureux demeure important et qu’on y tient, même dans ce contexte de turbulences.”
Le conseil de Cécilia Commo pour les couples fragilisés par l’arrivée des enfants…
“Je suggère de nommer l’un des membres du couple ‘veilleur’ de la bonne harmonie : à lui de rappeler – sans stress, et avec bienveillance – que le couple a besoin de temps pour lui, et de prendre en charge l’organisation de ces moments ensemble. Le but n’étant pas, bien sûr, que cela se transforme en une énième tâche à accomplir !”
Cécilia Commo est l’auteur de Le couple parfait n’existe pas. Éloge de l’imperfection amoureuse, Flammarion, 2022.
8 astuces de parents pour prendre soin de son couple
• Parler d’autre chose
“Dans nos soirées à deux, on se met au défi d’aborder d’autres sujets que les enfants et l’organisation familiale. Parler de nous, de nos projets, de nos besoins, c’est important.” Benoît, 3 enfants.
• Oser partager
“Rencontrer d’autres parents (en vrai, pas sur les réseaux sociaux) permet de se rendre compte qu’on n’est pas seuls à vivre des choses difficiles, de s’ouvrir à d’autres façons de faire, à d’autres expériences, et d’oser dire quand ça ne va pas.” Benoît, 3 enfants.
• Se ressourcer
“Voir des amis, faire du sport… Avec mon mari, on fait ça à tour de rôle, de façon équitable. Prendre du temps pour soi, seul, c’est essentiel.” Pauline, 2 enfants.
• Faire la sieste
“Quand c’est tendu entre nous, il y en a toujours un pour dire : ‘Dis donc, toi, t’as besoin qu’on fasse l’amour, non ?’ Le week-end, on fait la sieste en même temps que les enfants. Avant, c’était rare qu’on fasse l’amour dans la journée, mais c’est bien aussi !” Matthias et Céline, 4 enfants.
• Se faire aider par des pros
“Nous avons consulté régulièrement des coachs de couple. Ils ont même contribué à créer notre cohésion, car Céline est tombée enceinte dès le soir de notre rencontre… Ils nous ont donné beaucoup d’outils pour soigner notre relation, oser dire les choses, savoir poser des questions.” Matthias et Céline, 4 enfants.
• Créer des rendez-vous
“Chaque année, on s’offre un week-end sans enfants, au moment de notre anniversaire de mariage. Cette date nous ‘force’ un peu à prendre ce temps.” Sabine, 3 enfants.
• Prendre un abonnement culturel
“Comme on sait qu’on ne sortira jamais si on ne bloque pas les dates, on prend un abonnement annuel à une salle de concert. Les billets sont payés, ça nous oblige à réserver une baby-sitter !” Sabine, 3 enfants.
• Faire du troc
“Les baby-sitters, ça coûte cher. Alors, avec des amis eux aussi parents, on échange des soirées tranquilles : ils gardent tous les enfants un samedi, et la semaine suivante, c’est notre tour. On va bientôt tenter les week-ends !” Élise, 2 enfants.