On l’espère, on l’attend, on la guette… L’acquisition de la marche constitue une étape forte dans le développement du tout-petit. Et nécessite que les parents soient de vrais soutiens, sans précipiter les choses.
À quel âge bébé va-t-il marcher ?
Elle l’avoue bien volontiers : quand elle entend un parent de la crèche souligner que son enfant marche déjà alors que sa petite Zélie en est encore au stade “ver de terre rampant”, un soupçon de jalousie étreint Chloé. Bien sûr, nous le savons, “comparaison n’est pas raison”. N’empêche : difficile de ne pas jeter un œil sur les enfants de notre entourage qui ont l’âge du nôtre, et d’évaluer leurs progrès par rapport à ceux de notre petit. Bonne nouvelle : c’est un classique. “Les parents se comparent sans arrêt”, sourit la psychomotricienne Anne-Laure Huveau. Autre bonne nouvelle : ce n’est pas très utile. “La marche s’acquiert entre 10 et 18 mois, rappelle cette dernière, et pour les enfants nés prématurés, il faut compter des mois supplémentaires.” Selon Isabelle Mauron, psychomotricienne et coach parentale, la tranche d’âge serait même de “9 à 20 mois, ce qui est énorme”. Alors pourquoi les parents s’arc-boutent-ils si fortement sur la précocité de cet acquis ? « La position debout est très symbolique, analyse Isabelle Mauron. Le bébé devient ainsi un petit homme. Voir son enfant marcher, c’est se dire : “Il fait partie de notre espèce.” »
Chacun son rythme
Certes, les premiers pas peuvent être perçus comme un début. On peut aussi les considérer comme l’aboutissement d’un processus entamé depuis bien longtemps. “Cela commence dès les premiers mois, confirme Isabelle Mauron. Rien qu’en mettant son petit au sol, il est libre de bouger, il se renforce, de la tête aux pieds, de la colonne vertébrale aux extrémités.” Pour elle, le transat, le Maxi-cosi ou la chaise haute doivent être réservés à des moments spécifiques, tels les repas ou les déplacements. Au fil des mois, surviennent d’autres phases : ramper, marcher à quatre pattes, essayer de se mettre debout… Ne pas s’inquiéter si certaines d’entre elles sont “sautées”. En revanche, à nous, parents, de ne pas être non plus trop pressés. Les deux spécialistes mettent d’ailleurs en garde contre de faux amis de la marche : le youpala et le trotteur. “Cela biaise tout, estime Isabelle Mauron. L’enfant est soutenu par les hanches, ce qui n’est pas le cas quand il marche. La structure de l’espace n’est pas reçue de la même façon. Bref, les messages perçus par le petit sont faux.” Sans compter les chutes que peut occasionner leur usage. “Quand l’enfant va vouloir marcher, il aura moins confiance en lui”, résume Anne-Laure Huveau.
La maison, espace de liberté
“Confiance” : le mot est lâché. Pour Isabelle Mauron comme pour Anne-Laure Huveau, là est la clé, et l’intervention du parent sera déterminante. La première insiste : “Valorisons les efforts plus que le résultat.” Ainsi, mieux vaut éviter de faire marcher l’enfant en le tenant par les bras. “Cela peut donner des enfants qui, ensuite, prennent l’habitude de marcher les bras en l’air”, note Anne-Laure Huveau. Et là encore, puisque le parent “fait” plus que le petit, sa confiance en sa capacité à marcher seul peut être érodée. Bien sûr, rien de dramatique si on le fait de temps en temps ! La psychomotricienne conseille plutôt de se mettre face à lui en lui tendant les mains : “Si l’enfant veut marcher, il faut l’y inciter mais sans le tenir.” Une invitation qui va passer par des propositions. Anne-Laure Huveau suggère ainsi d’éparpiller des jeux dans le salon (sur une table basse, une chaise…), pour que le petit tente de s’en emparer : “C’est ce qu’on appelle la psychomotricité libre.” En s’appuyant sur différents supports (canapé, tabouret…), le petit va se créer son propre parcours. “La maison, c’est le bonheur pour un enfant ! s’exclame Isabelle Mauron. Nous le voyons curieux de son environnement, dans le plaisir de la découverte.”
Et s’il vaut mieux commencer par une surface plate et dure pour les premiers pas, rien n’empêche ensuite de tester avec lui différents terrains : gazon, sable, moquette… Une fois les premiers pas effectués, pourquoi ne pas lui proposer une petite pente ou des jeux de hauteur pour le stimuler ? En privilégiant, quand cela est possible, les pieds nus : “Leurs nombreux capteurs sensoriels permettent à l’enfant de réajuster sa posture”, explique Anne-Laure Huveau.
Et si on n’est pas là pour ses premiers pas ?
Il peut arriver que nous soyons absents lors de ces premiers pas, et de le regretter. Pour Anne-Laure Huveau, « ce n’est pas “le” mais “les” premiers pas qui comptent. Le petit sera fier, quel que soit le moment, de montrer à ses parents ce qu’il sait faire. Et puis, on ne peut pas constamment scruter son enfant, ce serait oppressant » ! Pour Isabelle Mauron, cela invite à nous interroger : « Il y aura d’autres premières fois en lien avec la marche. En formulant ce regret, les parents éprouvent sans doute une forme de nostalgie : “Mon enfant est en train de grandir, je rate peut-être des choses.” » Cela vaut le coup de se rappeler que ce qui est important, c’est d’avoir au moins cinq minutes de complicité par jour avec son petit… Comme si, avec ses premiers pas, notre enfant nous faisait faire un pas de plus sur le chemin de la parentalité.
Comment choisir ses premières chaussures ?
On l’a dit : pour les premiers pas, l’idéal, dans la maison, est le pied nu. Mais à l’extérieur ? “L’enfant a besoin de sentir ses appuis plantaires, explique Anne-Laure Huveau. C’est grâce aux informations transmises par la voûte plantaire et les orteils qu’il pourra se stabiliser.” La chaussure doit donc être souple, la semelle pouvoir se plier en deux, le bord s’arrêter sous la malléole pour que la cheville soit libre de mouvement. Ainsi, il pourra utiliser les amplitudes maximales de ses chevilles, ce qui l’aidera notamment pour passer de la posture assise à la posture debout. Allez, marchez jeunesse !