Les petites blessures font partie du quotidien des enfants. Mais entre la douleur et, parfois, la peur chez le médecin, que d’émotions à comprendre et à gérer ! Le supplément pour les parents du magazine Popi vous guide…
Allô, parents bobo !
Imaginons la scène. Notre bambin court et fait une petite chute sans gravité. À peine une éraflure à l’horizon et, pourtant, le voilà qui hurle à faire passer la sirène des pompiers pour une agréable mélopée. Avouons-le, dans ces moments-là, il nous arrive parfois de lever les yeux au ciel et de nous demander s’il n’y a pas un peu de cinéma là-dessous… Eh bien non, pas du tout !
Raison et sentiments
“Jusqu’à 4 ans environ, l’enfant est commandé par son ressenti, ses émotions, explique le docteur Élisabeth Fournier-Charrière, pédiatre au Centre de la douleur et de la migraine de l’enfant de l’hôpital Trousseau (Paris). Ce que nous ont appris les neurosciences, c’est que la zone émotionnelle, avant cet âge, n’est pas encore connectée à la zone cognitive. Aussi, quand quelque chose déborde chez un petit, le ressenti n’est pas équilibré par le raisonnement et s’exprime sans filtre. Ce contrôle apparaît progressivement, surtout à partir de l’école primaire.”
Pédiatre, responsable de l’Unité d’hématologie, immunologie et oncologie pédiatrique au CHU d’Amiens, et présidente de l’association Sparadrap, le docteur Catherine Devoldère confirme : “Avant 2 ans, un enfant n’a pas la notion du temps. La douleur lui semble donc interminable et le met vite en situation de détresse. Cela provoque de l’anxiété, car il n’a pas non plus la notion de soulagement par le traitement.”
Parents à la rescousse
Grosses bosses ou petites plaies, les bobos font partie du quotidien du tout-petit. Et avec eux la douleur, qu’il peut percevoir avant même sa naissance, et reconnaître et localiser dès 18-20 mois. Or, souligne Élisabeth Fournier-Charrière, “un enfant ne simule jamais. Ses émotions sortent toutes seules. Prenons l’exemple d’un pansement ou d’une prise de sang chez un tout-petit : s’il se met dans un état pas possible, s’il paraît surjouer, c’est parce que le message de douleur envahit tout son cerveau”. Et face à ces émotions, le parent a un rôle prépondérant à jouer. « Le rôle “antalgique” du parent est très important. En tant que médecin, ma parole ne rassurera pas autant que la sienne », affirme de son côté Catherine Devoldère.
Encore faut-il savoir comment réagir. Face à une chute un peu spectaculaire, à du sang qui coule, nous pouvons avoir tendance à laisser notre calme au vestiaire. Cela vaut le coup de prendre quelques secondes pour respirer. “Le parent doit réagir de manière pondérée, alerte le docteur Juan Llor, chef du Service pédiatrie de l’hôpital du Valais, en Suisse. Sa dimension soutenante passe par cela. Si l’adulte panique, l’enfant va paniquer aussi.”
Que d’émotions !
Mais s’il s’agit de ne pas surréagir, il ne faut pas non plus sous-estimer le bobo : « Dire “Ce n’est rien” n’est pas la meilleure chose à faire. Ce n’est pas “rien” puisque l’enfant est tombé et s’est fait mal ! Mieux vaut répondre “On va s’en occuper” », poursuit le spécialiste. D’autant que les formes négatives sont mal perçues par les petits. Plutôt que “Ça ne fait pas mal” ou “Ce n’est rien” (d’abord, qu’en sait-on ?), mieux vaut lui dire “Je suis là, on va regarder ça, ça va aller, tout va bien se passer.”
Il s’agit donc d’accueillir le ressenti de son enfant. « Avec un pansement ou un “bisou magique”, on lui reconnaît le droit de se manifester », explique Juan Llor. Car quand il se fait mal, l’enfant attend une réponse de l’adulte. Ainsi, nous prenons en charge l’aspect émotionnel de la douleur. D’autant que, quand un bobo survient, la douleur n’est pas la seule émotion à entrer en ligne de compte. “Il peut y avoir aussi la peur, la colère contre soi-même, la culpabilité, le sentiment d’échec de ne pas avoir réussi quelque chose…”, précise Élisabeth Fournier-Charrière.
Un tourbillon de sentiments que nous allons pouvoir l’aider à démêler. Et quand survient le moment du soin, « on va lui dire, avant, ce qu’on va faire. Mais pendant l’acte, il va plutôt s’agir de le distraire, conseille-t-elle. On mettra l’accent sur les sensations autres que la douleur : “Ça va être un peu froid”, par exemple ». La distraction est elle aussi plébiscitée par Catherine Devoldère : “Nous savons que si au cours du soin, on détourne l’attention de l’enfant, si on la capte par quelque chose qu’il aime, qui l’intéresse, la perception de douleur diminuera. Car on agit sur la composante émotionnelle de la douleur.”
Des bobos qui font grandir
Surtout, les parents doivent se faire confiance pour distinguer le petit bobo de celui qui nécessite une prise en charge plus importante. “Ils savent déceler la douleur aiguë : l’enfant change de comportement, pleure, ne veut plus jouer, est grognon…”, confirme Catherine Devoldère. Bref, un comportement qui tranche avec l’ordinaire. “En un sens, les hurlements sont plutôt rassurants”, explique Élisabeth Fournier-Charrière, qui rappelle que les bobos font partie de la vie : “Bien sûr, au-delà d’un certain stade, il y a besoin de thérapeutique contre la douleur. Mais par ces expériences, le petit va apprendre à gérer son ressenti, à gagner en courage, voire à se soigner lui-même. Bref… avec ses bobos, l’enfant se bâtit.”
Comment rassurer un enfant qui a peur du docteur ?
Dans le cabinet du médecin, il arrive parfois que l’anxiété étreigne le tout-petit. Mais elle peut être évitée. “Les parents doivent expliquer à leur enfant qu’il est de leur responsabilité de l’emmener se faire examiner ou soigner, afin qu’il soit en bonne santé. Il faut informer, sans dramatiser ni banaliser. La visite chez le docteur, qui est anodine pour nous, ne l’est pas pour lui”, analyse Catherine Devoldère. Aussi peut-on préparer l’enfant à ses rendez-vous médicaux.
L’association Sparadrap, que préside cette dernière, propose ainsi un certain nombre de brochures (La prise de sang, Le vaccin, Passer une radio, etc.) pour expliquer à l’enfant les soins qu’il va recevoir. Élisabeth Fournier-Charrière, de son côté, insiste sur l’environnement dans lequel devrait se dérouler la consultation : “Si le médecin s’adresse à l’enfant de façon ludique, si l’examen s’effectue dans les bras du parent, s’il y a des petit jouets pour le distraire, tout devrait bien se passer”, rassure-t-elle.